- 2 -
"Cette histoire que m’a contée un jour un homme. Cet homme je l’ai rencontré à cause de mon travail. Journaliste. J’étais à ce moment là, journaliste.
Et c’est dans le cadre d’un article faisant suite aux évènements qui avaient terriblement marqué, qu’il m’a ouvert à vive voix son passé étrangement lié à celui dont il me racontait la
vie."
- Comment j’ai rencontré Maïan ?
L’homme plissa des yeux, l’air de se replonger dans son passé et le sourire aux lèvres, il reprit d’un ton amusé :
- Autant que je me souvienne, la première fois que je l’ai vu, je l’ai tout de suite détesté déclara-t-il en tirant une longue taffe de sa cigarette. Il faut dire aussi que le jour ou il a débarqué devant ma porte à une heure plus que tardive, je n’avais vraiment pas le morale. Je venais de me faire plaquer par mon mec de l’époque. Un con toxico à qui j’étais accro plus que de raison…
Sa voix se perdit dans le bruit du ventilateur accroché au-dessus de nous. Tout dans son attitude montrait à quel point il avait pu souffrir de cette relation, pourtant, je sentais comme celle-ci avait pu être bien insignifiante à côté de celle qui le liait à ce Maïan. Je décidai de le laisser à son rythme et donc, je ne le brusquai pas lorsque je me rendis compte qu’il ne parlait plus depuis un certain temps. J’en profitai pour le détailler un peu plus. Cet homme de grande carrure avait tout de celui qui avait réussi à sang et à sueur dans sa vie. D’un niveau social élevé, je ne savais pas très exactement quel métier est ce qu’il exerçait. La seule chose dont j’étais sûr c’était qu’il ne semblait plus attendre grand-chose de la vie.
Les traits fins de son visage étaient dignes de ceux des plus grands mannequins, ses cheveux d’un blond platine presque blanc lui donnaient cet air qu’on disait appartenir aux anges. Sans doute avait-il été très apprécié dans un passé proche par les deux gentes. Je dois dire que moi-même, j’éprouvais une certaine attirance vis-à-vis de cet être d’un aspect physique parfait. Seulement, la froideur que dégageait à présent tout son être le rendait inabordable. Un certain malaise vous prenait lorsque par mégarde vous croisiez ses yeux bleu cristallins. Bien que clairs, ils étaient semblable à deux gouffres sans fond ou là, tout le malheur du monde semblait s’être réunit. C’était sans doute pour cela qu’ils avaient tous refusés au journal de l’interroger. Moi, on me l’avait imposé.
Assit à cette table, en face de moi, il n’avait, depuis le début de notre entretien, pas arrêté de fumer cigarettes sur cigarettes. Je dois dire que l’odeur de la fumée avait tendance à me gêner au plus haut point, mais je craignais trop sa réaction pour oser lui demander de l’éteindre. C’était à grand mal que mon patron avait réussis à décrocher ce rendez vous et je ne tenais en aucun cas à l’anéantir. Bien que tout ceci ne m’intéressait pas, j’avais besoin de ce boulot et me pliait à toutes les demandes de mes supérieurs. Pourtant, je savais que s’il continuait encore, je ne donnais pas chère de mes fichus poumons qui ne tarderaient pas à me lancer.
Il reprit soudain son récit sans plus faire attention à ce que je lui pose des questions, laissant juste cour à ses souvenirs.
- Je m’en souviens comme si c’était hier… J’avais descendu une bonne dizaine de bières, autant dire toutes celles que mon ancien amant avait oublié. Quel meilleur moyen de
tirer un trait sur cette relation que d’éliminer tout ce qui se rapprochait de près ou de loin à lui ? Alors j’ai tout simplement mit tout en œuvre pour éradiquer sa présence de mon
appartement. Ses linges, sa tasse à café, ses livres… tout y est passé. Au milieu de la salle, j’ai tout rassemblé en une pile que j’ai finalement
trouvée très artistique… J’en étais là dans mon résonnement quand la sonnerie d’entrer à résonné. J’avais décidé de ne pas ouvrir mais finalement, à la huitième fois… Vous comprenez, les voisins
allaient râlés et j’étais déjà d’assez mauvaise humeur pour devoir supporter ces vieux
grincheux.
Quand
j’ai enfin réussis à traverser le salon sans trop m’éclater, j’ai violement ouvert la porte, prêt à gueuler sur l’importun qui osait me déranger dans mon grand moment de tristesse, mais quand je
l’ai vu, sur le coup, toute ma colère est retombée. Il se tenait là, debout devant moi, vêtu d’un long manteau noir, un grand sourire aux lèvres. En le regardant aussi nettement que me le
permettait le peu de lucidité qui me restait, j’ai compris à quel point j’avais pu boire car, le mec que j’avais en face de moi ressemblait traits pour traits à ce chanteur nippon, Miyavi. Hormis
ses yeux qui se trouvaient extraordinairement verts pour un asiatique, j’avais devant moi le sosie d’un de mes fantasmes. Par la suite, j’ai compris qu’il ne s’agissait en fait que de lentilles
de contactes, mais ça, ça reste un détail
minime…
Sans que je ne l’invite, il est rentré. J’ai pris un certain temps à m’en rendre compte, un certain temps à reprendre contenance. Enfin… Bombé à fond, je me suis retourné vers lui
prêt à lui hurler dessus, même à lui casser la gueule si nécessaire. Ce que j’ai découvert m’a plus que surpris. Il se tenait là, le manteau ouvert
qui laissait apparaître son corps recouvert uniquement d’un string à paillette argenté vraiment hideux. Il lui allait pourtant bien. Là aussi, ce
n’est qu’un détail… Et je n’étais pas au bout de mes surprises. A cet instant j’étais sûr et certain qu’il ne pourrait plus rien faire de dingue et bien, j’avais tord. Comme presque toujours en
ce qui concernais
Maïan…
Il
s’est mit à chanter. Il me souhaitait un joyeux anniversaire avec cette chanson débile, par sa simplicité, qu’on a pour coutume de chantonner. Sa voix
trainante, cassée et son accent avaient quelque chose de touchant qui vous saisissait en plein cœurs. Il aurait pu chanter n’importe quelle comptine que vous auriez irrémédiablement eut envie de
fondre en larme. Ce fut mon cas. Seulement, lorsque qu’il a commencé à danser, plutôt à se trémousser d’une façon irréaliste, presque ridicule mais si mignonne, je n’ai pas pu m’empêcher de rire
comme un dératé. Je riais tellement que j’ai du me retenir au meuble du téléphone pour ne pas atterrir au sol encore une fois. Les vapeurs de l’alcool
n’aidant en rien, je n’arrivais plus du tout à m’arrêter. A travers mes larmes de joies, je pouvais le voir tétanisé sur place à m’observer étrangement.
- Vous vous demandez sûrement qui avait bien pu m’envoyer ce message chantant me demanda-t-il soudain coupant court à son monologue.
Je relevai doucement la tête lâchant des yeux les notes que je prenais au fur et à mesure. Il ne me regardait pas, il fixait obstinément la bibliothèque en face de lui. Je cru, devant son mutisme m’être trompé et je m’apprêtai à retourner dans mon travail quand je le vis tourner sa tête et m’observer.
- Ça ne vous intéresse pas ?
Je dois avouer que le fait qu’il s’adresse directement à moi me paru étrange car, depuis que j’étais arrivé dans cette pièce, pas une seule fois il n’avait semblé prendre en compte ma présence. Il délattait sur son passé comme il l’aurait fait devant un magnétoscope. J’avais finis par en déduire que ma présence l’importait peu et que j’aurais aussi mieux fais de lui envoyer par e-mail mes questions… Je lui en étais d’ailleurs très reconnaissant, je n’avais pas à faire semblant d’être suspendu à ces lèvres. Et voilà que de sa voix grave et charger en expérience, il s’adressait à moi petit nouveau dans le domaine du journalisme.
Ce n’est que lorsque je croisai son regard que je sortis de mes réflexions . Toujours en me scrutant, il tira une longue taffe de sa cigarette coincée entre son index et son pouce puis recracha quelques secondes plus tard une traîne de fumée blanchâtre. Je ne savais pas trop ce que signifiait cette insistance mais elle me mettait mal à l’aise et je mis à espérer à nouveau une ignorance continue de sa part. Et c’est ce qu’il fit en tournant à nouveau son attention sur le mur en face de lui.
Ecrire un commentaire - Voir les 3 commentaires