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Smog (2)
Partie 2
- Qui ? Où ? Quand ?
demandais-je en m’affalant sur le bois gelé.
Le parc est désert à cette heure de la journée. Bien trop tôt, bien trop froid, les allées s’étendent à perte de vue sans la moindre trace d’âme qui vive.
Comme toujours, il est assit dos à moi, sur le banc siamois ... Comme toujours, je sais qu’il glissera une enveloppe blanche entre les barreaux en bois du banc… qu’à l’intérieur des noms, des photos, une cible.
Comme toujours, je n’ai pas besoin de me retourner pour savoir que la main qui tient sa cigarette n’est pas gantée…que la couleur de l’écharpe autour de con cou s’accorde avec celle de ses chaussures, de ses gants… que malgré l’absence de soleil, des lunettes noires cachent ses yeux…
Je prends le dossier et le glisse dans mon sac, je verrais bien de quoi il s’agit après. Pour l’heure, je n’ai qu’une envie : être dans une sale chauffée. Mais d’abord…
- Aurais-tu l’aimable gentillesse de me refiler une de tes tue poumons demandais je en penchant ma tête vers lui.
Oui, je sais être poli parfois. Et non, je ne fume pas.
D’une lenteur calculée, il retire de la poche intérieure de son manteau un étui doré qu’il me tend. Au moment de le récupérer, il emprisonne ma main dans la sienne. Surpris, je l’interroge du regard. Là, je vois ses lèvres bouger, je n’entends pourtant aucun son en sortir, elles forment des mots, puis une phrase : « Il faut que je te parle … » Il s’arrête dans son dialogue muet. Même si je ne vois pas ses yeux, je sais que quelque chose a attiré son regard. Je l’ai senti. Une présence inconnue.
- Bouges lui ordonnais-je en récupérant et ma main et l’écrin.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Il s’éclipse me laissant seul face à cette menace invisible. Calmement, je range la boîte dans la poche de mon jean. S’il voulait me tuer, je le serais déjà alors à quoi bon attaquer ou se presser ? Ce n’est qu’un guetteur. Ce lui qui m’intéresse, c’est le commanditaire de cette surveillance.
D’un rapide coup d’œil, j’établis un plan des environs. Dans la rangée de gauche six, à droite sept. Si j’étais à sa place, j’éviterais de me mettre dans le parc… Trop clairsemé, trop évident, pas assez professionnel. Et puis, il faudrait être carrément fou pour ce mettre à une distance aussi rapprochée.
Je m’affaisse sur le banc. J’ai besoin d’un temps de réflexion.
Si j’ai bien compris, il a besoin de me voir. L’homme à l’écharpe n’est qu’un messager et lorsqu’il me demande un temps de conversation c’est pour me transmettre les dire de son maître. Cela ne m’enchante guerre d’aller le voir. Pourtant, parfois, quand je n’ai aucune réponse extérieure, je retourne toujours sur mes pas. Le voir lui.
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Les mains dans les poches, je traverse en trainant les pieds l’allée centrale du parc. Entre mes doigts, la boîte, non pas celle de Pandore, juste une banale et simple qui contient bien plus de trésor qu’elle n’y parait.
Cars et bus, je traverse de long en large la ville jusqu’à cette ruelle. Formée de deux immeubles gigantesques, lugubre et sombre, assez discrète pour ne pas attirer l’attention. Le bruit de la circulation couvre le claquement causé par mes tennis sur le damier en pierre. L’eau ruisselle entre les fissures et stagne près des grandes baignes à ordures. Les larmes transformées en sang sur les multitudes déchirures ou amas du monde moderne que sont les villes urbanisées, plaies béantes de notre cher planète bleue.
Mais à quoi bon essayer de tout arranger ? Stopper l’élan du monde ? En finir avec le progrès ? C’est aussi absurde que d’essayer de changer un homme. Et s’il y a bien un homme qui ne changera jamais, c’est bien lui.
A peine m’étais-je approché de la porte, que celle-ci s’était ouverte sur ce grand type à l’allure loubarde. Une armoire à glace, tout en muscle. Il me scrute des ses gros yeux globuleux et sans un mot, me fait singe de le suivre. Nous traversons un dédalle de couloirs, éclairés faiblement par des guirlandes de noël bien que nous soyons en mai. Au bout de celui-ci, une entrée sans porte, sans rideau. Des individus jouent tout en buvant, fumant. Collés l’un aux autres ils partagent des caresses discrètes ou plus poussées. Des gémissements se mêlent aux rires et aux coups de voix. Un brouhaha chaotique s’élève et rien ne semble les gêner dans leurs activités, pas même mon observation poussée.
Le costaud me tire de ma contemplation, je le sui dans une pièce située non loin de ce sanctuaire de pêchés. Petite à première vue, il n’y a que les écrans situés tout le long du mur qui l’éclaire. Des caméras de surveillance où il est possible de voir les moindres faits et gestes des convives de la pièce adjacente.
Je me retrouve seul dans la pièce, après avoir un long moment scruté les écrans, je m’installe sur une chaise en face du mur de commande. Les coudes appuyés sur les cuisses, la tête callée entre mes mains jointes, mon esprit s’évade et sans le vouloir, je me mets à penser à lui…
Je sursaute en sentant une main sur ma nuque. Je relève rapidement la tête et tombe sur un regard interrogateur et soucieux.
- J’ai senti ton mal être à des kilomètres à la ronde. Que t’arrive-t-il Jayton ?
Comme toujours, je n’ai pas eu besoin de dire quoi que se soit pour qu’il comprenne. Il me connaît beaucoup plus que moi-même et parfois c’est effrayant. Je n’aime pas paraître aussi faible face à autrui.
Me ressaisissant, j’attrape mon précieux lot dans la poche de mon blouson avant de le lui tendre. Sa main se referme sur la mienne, tandis que de l’autre il continu à me caresser la nuque ce qui, bien plus que je ne veux me l’avouer me détend fortement.
- N’évince pas ma question… Serais-tu venu ici sans réelle raison ?
- C’est vous qui m’avez demandé de rappliquer lançais-je agressif en retirant ma main de sa poigne.
- Oui.
Il libère ma nuque de son emprise et entreprit d’ouvrir l’écrin doré. Il en sort une mince et longue cigarette noire qu’il mit entre ses lèvres.
- Tu sais que je finirais par tout savoir, n’est ce pas ?
- Alors allez-y dis-je vaincu d’avance.
Malgré moi, je me mets à frissonner terriblement quand il allume la cigarette. Ses yeux se voilent d’un blanc laiteux et un sourire énigmatique s’affiche soudain sur ses lèvres. La séance peut commencer…